Le processus d’intégration et la convergence des cultures, clés du succès des acquisitions

Le processus d’intégration et la convergence des cultures, clés du succès des acquisitions

Une étude auprès de 92 sociétés et fonds révèle que, malgré une perception initiale de réussite des opérations de fusions-acquisitions, les synergies attendues sont générées dans seulement 40 % des transactions. En revanche, de nombreuses bonnes pratiques permettent d’atteindre ou de dépasser les résultats escomptés.

Le contexte macroéconomique et financier actuel rend de plus en plus important pour une société de réussir ses acquisitions. Des incertitudes macroéconomiques, des tensions géopolitiques accrues, le dérèglement des chaînes d’approvisionnement, mais aussi une plus grande préparation des vendeurs lors des processus de cession, rendant plus difficile une stratégie d’arbitrage de multiple, sont autant de facteurs accroissant la nécessité de bien évaluer les cibles poursuivies et de s’assurer que les objectifs fixés lors d’une acquisition soient atteints, voire dépassés lors de son intégration. Dans ce cadre, et même si chaque situation est unique, l’étude que nous avons menée, auprès d’un panel de 92 sociétés, représentatif de l’écosystème d’entreprises européen, permet d’établir un retour d’expérience conséquent sur les pratiques d’intégration.

 

1. La majorité des intégrations ne génère pas aujourd’hui l’ensemble des bénéfices attendus

 

Les critères faisant dire à un décideur qu’une intégration est réussie sont multiples : pour les sociétés interrogées, vient en premier l’atteinte du business plan d’acquisition (pour 75 % d’entre elles), suivi de l’intégration culturelle (44 %) et de la limitation de la disruption de l’activité des deux sociétés (36 %) post-closing. En revanche, leur succès est généralement peu évalué au regard de l’alignement avec la stratégie d’ensemble du groupe acheteur (14 % des sociétés) ainsi que de l’atteinte des synergies identifiées (25 %).

 

Examiner le taux de succès des intégrations permet de constater qu’il y a souvent une déconnection entre la perception globale, de la part des dirigeants, de la réussite de leurs intégrations et les impacts effectivement atteints. En eff et, pour les sociétés interrogées, 71 % de leurs intégrations sont réussies à l’aune des objectifs stratégiques atteints, mais seuls 40 % d’entre elles permettent d’atteindre ou de dépasser les synergies initialement envisagées. En outre, de nombreuses sociétés (28 %) ne mesurent plus, après le chiffrage des synergies lors des due diligences, l’atteinte ou non de ces objectifs chiffrés.

 

Les petites intégrations, en particulier, sont souvent beaucoup moins réussies que les plus grandes, notamment « car personne ne consacre suffisamment de ressources à leur suivi », pour citer le directeur M&A d’une société industrielle.

 

2. Le succès d’une intégration dépend en grande partie de la qualité du processus suivi, alors que l’échec est souvent dû à des raisons culturelles

 

Selon les entreprises interrogées, les facteurs de succès de leurs intégrations, sont d’abord un processus d’intégration bien préparé et bien anticipé (60 % des répondants) et la qualité de la due diligence, en particulier l’évaluation des synergies à attendre de l’intégration (30 %).

Les intégrations est la difficulté à faire converger les deux cultures et à gérer le changement (67 % des répondants), devançant largement d’autres facteurs comme une disruption de l’activité plus élevée qu’attendu (35 %) et des due diligences insuffisamment détaillées (27 %). De nombreux groupes soulignent, en particulier, que leurs managers ont pu accorder « une trop grande importance à la performance du business par rapport à la qualité du management », « considérer que la culture est surévaluée par les RH » ou « ne pas faire la différence entre culture d’un pays, culture d’une entreprise de ce pays et mode de management d’une équipe ». Le manque d’intégration culturelle entraîne souvent des dommages collatéraux, comme des difficultés de collaboration entre équipes ou une augmentation de l’attrition des talents clés, voire de clients. L’intégration culturelle est donc un sujet vital pour le succès des intégrations, et insuffisamment traité aujourd’hui.

 

A contrario, certains sujets d’exécution présentent beaucoup moins de difficultés qu’on aurait pu le penser : ainsi, la difficulté de mise en œuvre et de suivi des synergies n’est citée que par seulement 11 % des sociétés interrogées, et le cross-selling, entre groupe et société rachetée, l’est par seulement 4 % d’entre elles.

 

3. Neuf bonnes pratiques sont directement corrélées à l’atteinte des résultats attendus

 

Face à ces problématiques sous-estimées, les entreprises réussissant le mieux leurs intégrations sont celles qui ont mis en place un certain nombre de bonnes pratiques, leur permettant de maximiser les synergies atteintes et d’assurer le maintien d’une bonne performance commerciale et opérationnelle de la société acquise. Nous avons relevé neuf pratiques mises en œuvre par les sociétés les plus performantes.

 

3.1. Mener une due diligence approfondie

 

Une très grande majorité (87 %) des sociétés conduit une analyse détaillée des synergies, via une due diligence spécifique. En revanche, cette analyse se double dans 35 % des cas seulement d’une analyse détaillée du modèle opérationnel de la cible ou d’une analyse détaillée des coûts de mise en œuvre de ces synergies. L’absence de due diligences détaillées a pu entraîner pour les sociétés interrogées des difficultés à assurer la continuité de l’activité ou des impacts financiers nettement inférieurs à ce qui était attendu lors du processus d’acquisition.

 

3.2. Impliquer tôt ses experts opérationnels

 

Pour des raisons de confidentialité, 24 % des sociétés interrogées n’impliquent pas leurs équipes opérationnelles dans les due diligences. Pourtant, une telle implication permet à la fois d’assurer une analyse plus poussée de la cible, d’identifier les futurs responsables des chantiers d’intégration et de faciliter leur adhésion au projet. Ces avantages conduisent un grand nombre de groupes à changer d’approche et à identifier plus tôt les experts auxquels faire appel.

 

3.3. Suivre les synergies dans le détail

 

Les synergies représentent en moyenne 24 % de la valeur d’entreprise dans les intégrations analysées. Mettre en place un suivi détaillé des synergies mêlant des indicateurs financiers et opérationnels permet de générer en moyenne 90 % de ces synergies attendues, contre 71 % pour les situations où seule la performance financière est suivie. La mise en place d’indicateurs opérationnels, accessibles plus fréquemment que les indicateurs financiers, permet d’identifier plus rapidement les difficultés et les actions correctives nécessaires en cas de sous-performance.

 

3.4. Définir une organisation et un modèle opérationnel adaptés

 

S’il n’existe pas une seule structure d’organisation optimale, le bon équilibre entre autonomie des nouvelles équipes et contrôle par le groupe acheteur est atteint par la définition, tôt dans le process d’intégration, d’un modèle opérationnel adapté. Certains modèles d’organisation sont majoritaires : ainsi, 65 % des sociétés intègrent systématiquement certaines fonctions support, tandis que 6 % maintiennent une autonomie complète des nouvelles équipes. En revanche, l’organisation des fonctions commerciales et opérationnelles plus « cœur de métier » varie grandement selon les secteurs, stratégies d’acquisition et cultures d’entreprise. Plusieurs grands groupes ont d’ailleurs défini des modèles d’organisation spécifiques à certaines typologies des sociétés achetées, et au niveau d’intrapreneuriat souhaité.

 

3.5. Disposer d’un responsable d’intégration dédié

 

Les projets dirigés par un responsable dédié à une ou plusieurs intégrations, temporairement ou de manière permanente, présentent des résultats supérieurs : les objectifs stratégiques initiaux sont atteints dans 75 % de ces projets, contre 64 % pour les autres intégrations. Un responsable d’intégration dédié, avec la bonne légitimité interne, permet de mettre en place les autres bonnes pratiques, d’avoir plus vite une visibilité sur le statut du projet, d’accompagner les équipes dans l’intégration culturelle et la conduite du changement, d’accélérer la prise de décision et de résoudre plus vite les blocages. 60 % des sociétés interrogées mettent en place ce type d’organisation projet.

 

3.6. Assurer une transition rapide vers l’activité habituelle de la société

 

Un critère d’intégration réussie est de minimiser la disruption de l’activité de l’acheteur et de la société achetée. Le processus d’intégration est par nature un facteur important de disruption, par la mobilisation qu’il exige d’une grande partie des équipes des deux sociétés. Or, la durée de ce processus varie grandement : seules 29 % des sociétés parviennent à arrêter ce processus dans les six mois suivant le closing de l’opération, et 60 % dans les douze mois. Les sociétés effectuant la transition le plus rapidement, souvent dans les secteurs des services, mettent en œuvre de nombreuses pratiques de gestion de projet : définir la stratégie et la planification de leurs intégrations avant le closing, mettre en place une gouvernance efficace, rythmer le projet en fonction des risques à éliminer, incorporer la gestion des actions de long terme dans leurs routines habituelles de management, etc.

 

3.7. Analyser la compatibilité des cultures et gérer le changement

 

Si l’intégration culturelle est la plus grande source des difficultés d’intégration, pour 67 % des sociétés interrogées, elle est insuffisamment prise en compte dans les projets d’intégration : 46 % des sociétés mènent un chantier dédié à l’intégration culturelle ou à la gestion du changement dans leurs projets d’intégration. Le contenu de ces chantiers varie grandement, entre simple plan de communication et véritable plan de convergence entre cultures de la société achetée et de l’acheteur. Les sociétés les plus performantes de ce point de vue mettent en place une grille structurée d’analyse de la structure de l’organisation, des cultures géographiques, d’entreprise et de management des deux sociétés et des « lignes rouges » importantes pour les collaborateurs. Elles préparent ainsi un plan de communication, de mobilisation des équipes et de gestion du changement rapide et efficace.

 

3.8. Adopter les bons moyens de retenir les talents clés

 

L’identification et la rétention des talents clés, provenant à la fois de la société acquise et de l’acheteur, sont un défi important dans les programmes d’intégration, afin d’assurer la continuité de la connaissance et de la bonne gestion de l’activité. Les sociétés sont relativement matures dans l’identification des talents : 74 % d’entre elles identifient aujourd’hui des personnes clés au-delà du top management de la société acquise.

 

En revanche, leur rétention repose beaucoup aujourd’hui sur des mécanismes uniquement financiers (bonus à plus ou moins long terme, intégration dans l’actionnariat du groupe, earn-outs, etc.), pouvant être plus ou moins efficaces dans la création de valeur à long terme. A contrario, la possibilité, pour quelques personnes clés, de nouvelles responsabilités à moyen terme au sein du nouveau groupe n’est utilisée que par 27 % des sociétés, alors que c’est un outil très efficace de rétention et de gestion proactive de problématiques de succession.

 

3.9. Développer son propre guide d’intégration

 

Devant les défis spécifiques aux intégrations, de 44 % des sociétés interrogées adoptent une approche « industrialisée » des intégrations, en centralisant l’ensemble du contenu nécessaire à la mise en œuvre d’un tel projet au sein d’un guide (« Playbook » pour les Anglo-saxons) d’intégration adapté à leur stratégie, leur organisation et leur culture.

 

Il est surprenant que ce nombre ne soit pas plus important car l’existence d’un tel guide est sans doute le facteur le plus important de succès des intégrations : 81 % des sociétés possédant un tel guide atteignent ou dépassent les objectifs de leurs intégrations, et 57 % les dépassent, alors que ces chiffres représentent 62 % et 21 % seulement des sociétés sans guide d’intégration exhaustif. Le guide d’intégration est donc l’outil le plus important à développer, pour centraliser l’ensemble des bonnes pratiques nécessaires au succès d’une intégration.

 

 

Retrouvez cette tribune publiée sur Option Finance et l’étude Post Merger Integration Survey 2023.

William

Berger

Associé

Strategy & Operations

Eight Advisory Paris

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