L’IT et la Tech au cœur de la valorisation d’une entreprise
31 Octobre 2024
Retrouvez dans cet article des Affiches Parisiennes, les regards croisés d’Aroma-Zone et PAI Partners sur les opportunités et les risques liés à la Tech dans toutes les phases de la vie d’une entreprise détenue par un fonds d’investissement, de l’acquisition à la sortie en passant par la transformation.
L’équipe Technology & Transformation d’Eight Advisory a récemment organisé une table ronde pour illustrer les résultats d’une étude intitulée « IT/Tech M&A : quels enjeux pour les fonds d’investissements dans la gestion de leurs participations », menée cette année. L’échange a réuni Sabrina Herlory-Rouget, CEO d’Aroma-Zone, Marc Boullier, associé dirigeant chez PAI Partners et Luc Declerck, directeur général au sein de Bord of Cyber.
Les échanges, introduits par Eric Demuyt, co-fondateur et directeur général d’Eight Advisory et animés par Jean-Christophe Fuzzati, Associé de l’équipe Technology & Transformation, Adrien Kassel et Béchir Aissi, respectivement directeur et senior manager au sein de cette même équipe, ont mis en lumière les enjeux, les opportunités et les risques liés à la Tech dans toutes les phases de la vie d’une entreprise détenue par un fonds d’investissement, de l’acquisition à la sortie en passant par la transformation.
La Tech : une variable de plus en plus étudiée par les fonds d’investissement
Pour ouvrir les débats, Marc Boullier a rappelé que le rôle de l’IT et de la Tech au sein des participations d’un fonds d’investissement est loin d’être anecdotique. « La tech s’impose désormais comme l’une des composantes qu’il est nécessaire d’étudier » dans des contextes de fusions-acquisitions (M&A) pour plusieurs raisons. « La technologie doit véritablement jouer le rôle de catalyseur de l’activité. Il s’agit de vérifier que la stratégie IT est bien en phase avec la stratégie globale de l’entreprise. L’IT occupe désormais une place centrale dans la valorisation d’un actif. Ce n’est plus simplement un support opérationnel, mais un levier crucial pour la croissance et la compétitivité. Ainsi, la stratégie IT devient-elle un élément essentiel pour convaincre les investisseurs », a-t-il développé.
L’associé dirigeant chez PAI Partners a poursuivi en soulignant l’importance de la résilience qui « englobe tout ce qui touche à la continuité des activités en cas de crise », mais aussi de l’anticipation des coûts récurrents pour éviter les mauvaises surprises après la conclusion d’une transaction. « Il est crucial d’en évaluer non seulement le montant, mais aussi la structure, puisqu’une mauvaise gestion de ces coûts peut engendrer des surcharges importantes à long terme ».
La cybersécurité au centre des préoccupations
Avant de céder la parole, Marc Boulier a mis en avant, un pilier essentiel : la cybersécurité. « Des tableaux de bord ont été mis en place chez PAI, pour avoir une vision sur les performances en cybersécurité de l’ensemble de nos participations et pouvoir repérer les potentielles vulnérabilités. C’est intéressant car là où des audits étaient historiquement réalisés de façon ponctuelles, et généralement quelques mois avant d’entrer en phase de cession, les moyens d’aujourd’hui, et notamment l’IA, permettent d’assurer une surveillance en continue et d’aborder la performance sous un angle plus global, tout au long de la période au cours de laquelle nous détenons un actif ».
Cette introduction sur la cybersécurité a fait écho du côté de Jean-Christophe Fuzzati. « Nous systématisons de plus en plus les due diligences technologiques, et dans les préoccupations on nous demande souvent de renforcer notre analyse du niveau de maturité de la cybersécurité », a-t-il commenté.
Luc Declerck a poursuivi : « Le contexte géopolitique actuel impose effectivement une vigilance accrue. Récemment, un employé à Hong Kong a réalisé un virement de 25 millions de dollars suite à un appel vidéo de son supérieur qui était en fait le fruit d’un hypertrucage ou deepfake comme on appelle cette arnaque, une technique qui permet de simuler les mouvements faciaux d’une personne. Avec l’IA notamment, les modes opérationnels des arnaqueurs vont évoluer. Or, dans les situations de carve-out et d’intégration post-fusion (PMI), nous sommes davantage vulnérables car plus exposés. De ces faits, la cybersécurité est primordiale et doit être une priorité dans un contexte de transaction ».
Aroma-Zone met la Tech à profit sous LBO
Sabrina Herlory-Rouget est pour sa part revenue sur l’histoire d’Aroma-Zone, dont elle est à la tête depuis 2021. Leader en ligne sur le collagène marin et l’acide hyaluronique, cette entreprise, qui démocratise la beauté au naturel, suit une forte croissance depuis plusieurs années. « La situation était complexe à mon arrivée, nous avons dû effectuer un effort conséquent sur la migration et revue du site qui était la priorité puisque les ventes étaient alors majoritairement portées par le web et que l’ancien site ne permettait pas de servir nos ambitions », a partagé la CEO de cette entreprise dont le business modèle est unique, avec une chaîne de valeur conservée en interne de la Recherche & Développements, aux Achats de matières jusqu’au réseau de distribution. Par ailleurs, Aroma Zone est une entreprise omnicanale, portée par son site et par son réseau de boutiques en propre.
Une fois la migration du site finalisée, Sabrina Herlory-Rouget s’est posé la question, avec son directeur des systèmes d’informations (DSI), Laurent Serrano, présent à l’événement, des prochaines priorités IT de son entreprise « Dans un contexte marqué par un héritage technologique important, avec des contraintes réglementaires à satisfaire et avec une forte croissance qui nécessite le soutien de notre système d’informations, par où commencer ? « , s’est remémorée la CEO.
Pour ce faire, un schéma directeur des systèmes d’informations à trois ans a été défini, avec l’aide d’Eight Advisory. « Il était essentiel d’avoir une vision claire et partagée. Nous avions ainsi besoin de canaliser et prioriser les très nombreuses demandes des différents métiers pour maintenir un rythme soutenu et aligné avec nos objectifs, sachant que contrairement à une grande entreprise, notre rapport au temps est différent et d’autant plus dans un contexte d’hypercroissance. Il faut passer de la vision à l’exécution, en restant agile pour suivre le rythme de transformation imposé par la dynamique du marchés et les attentes des clients. Aussi, a-t-il été indispensable d’acquérir les bonnes compétences en interne, notamment en renforçant notre DSI avec un pôle dédié à la transformation et en recrutant un nouveau responsable de la sécurité des systèmes d’information et une directrice de la transformation », a affirmé Sabrina Herlory-Rouget.
Trois points clefs aux ambitions business : ROI, maîtrise des coûts et partenaires
Pour atteindre les ambitions d’Aroma-Zone, trois points ont été clefs : « Dans un contexte de frugalité, il est essentiel de se concentrer sur les projets qui apportent une véritable valeur ajoutée. Il faut donc privilégier l’essentiel et maximiser le retour sur investissement (ROI). Pour cela, nous avons structuré et documenté une feuille de route IT détaillée. Chaque dépense est soigneusement projetée, avec un questionnement constant sur sa pertinence et son impact pour l’organisation ». Marc Boulier a rebondi sur ce point « il est intéressant de voir qu’aujourd’hui, les enjeux tech sont tels pour une entreprise qu’il s’agit même d’évaluer la value for money, ou une sorte d’estimation du rapport ROI / coûts au regard des garanties et des risques encourus. Le coût en tant que tel est secondaire et c’est parce que la Tech offre tant de potentiel pour une entreprise que cet angle de vue est si pertinent. »
Un autre point clef dans l’élan de la définition de sa stratégie IT pour Sabrina Herlory-Rouget : les sparring partners. « Il a également été crucial de se faire accompagner. Cela inclut non seulement le fonds d’investissement, bien entendu, mais aussi les conseils externes tels que ceux d’Eight Advisory qui apportent une vision transverse, de l’expertise et des points de comparaison à d’autres contextes. »
Enfin, la CEO d’Aroma-Zone a livré les prochaines priorités stratégiques de transformation de l’entreprise. » Nous continuons à travailler sur nos systèmes existants, tout en mettant l’accent sur des projets nécessaires à la croissance, qui vont permettre plus d’automatisation de nos processus. La data est également l’une de nos priorités. Nous y voyons un énorme potentiel pour accompagner l’écriture de notre histoire de marque, d’autant que nous poursuivons aussi notre réflexion stratégique autour de l’intelligence artificielle, en nous orientant vers une entreprise augmentée, avec des gains en performance et en productivité. Parallèlement, nous explorons l’hypersonnalisation, afin de générer des revenus incrémentaux en capitalisant sur le travail réalisé autour de l’architecture data ».
La Tech due diligence joue un rôle crucial
Les fonds d’investissements ont coutume de détenir une participation pendant quelques années, d’accompagner la croissance des entreprises dans lesquelles ils ont investi pour céder ensuite le capital de ces entreprises. Aussi, Marc Boullier a-t-il conclu cette table ronde sur la Tech due diligence (DD), mettant en avant le rôle clef qu’elle joue dans ces opérations de M&A pour mettre en lumière la valeur des transformations opérées.
Il a ainsi rappelé : « La Tech DD est un outil incontournable lors de la phase de sortie. Côté vendeur, elle permet, tout d’abord, de préparer le management en identifiant les points critiques et en élaborant des plans de contingence. Cela offre une vision claire et réaliste des défis à venir, facilitant ainsi l’anticipation des problèmes potentiels et rassurant les investisseurs, ce qui contribue à réduire la pression sur la transaction. Les conseils tels que Eight Advisory sont nécessaires car ils sont familiers de cet exercice et vont ainsi pouvoir accompagner des collaborateurs qui n’y sont que très rarement confrontés.
L’associé dirigeant de PAI Partners a poursuivi : « La Tech DD côté vendeur joue également un rôle crucial en mettant en lumière les investissements technologiques invisibles. Que ce soit sur l’infrastructure IT, sur le paysage applicatif ou du point de vue de la résilience technologique, ces contributions ne se reflètent pas toujours dans les chiffres financiers. La Vendor DD valorise ces initiatives en démontrant le travail accompli et la capacité de l’entreprise à capitaliser sur ces investissements pour améliorer ses performances et sa compétitivité. Cela renforce également l’equity story, en montrant que la technologie n’est pas seulement un support opérationnel, mais un véritable levier stratégique pour l’entreprise ».
« Enfin, la Tech DD permet-elle d’évaluer l’évolution de la maturité technologique de l’entreprise. Au fil des années, l’entreprise investit dans des systèmes plus robustes, optimise ses coûts récurrents et développe des mécanismes de sécurité avancés tout en exploitant de nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle. Cette progression est essentielle pour rassurer les acheteurs potentiels sur la solidité de l’entreprise à long terme », a-t-il conclu.