Affaire Illumina/Grail : coup d’arrêt à la nouvelle politique de la Commission européenne concernant les renvois fondés sur l’article 22 du règlement sur les concentrations
30 Septembre 2024
Eight Advisory a eu le plaisir de participer le 17 septembre dernier, à la première édition de la rencontre Ping-Pong de la concurrence organisée par Muriel Chagny, Professeur de droit, Directeur du Master 2 Droit de la concurrence et des contrats à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay).
Pour cette première édition, Étienne Chantrel, Associé au sein du cabinet Eight Advisory, et Faustine Viala, Associée au sein du cabinet Willkie Farr & Gallagher LLP, ont été invités à partager leur avis d’experts sur l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 3 septembre dernier dans l’affaire Illumina/Grail.
Voici les principales conclusions des échanges :
Des précisions essentielles, mais des questions toujours en suspens :
- Le mécanisme de l’article 22 n’est pas un « mécanisme correcteur » destiné à remédier aux lacunes du système de contrôle des concentrations (§192 de l’arrêt).
- La sécurité juridique est l’un des objectifs du Règlement Concentrations, incompatible avec la mise en place d’un tel mécanisme (§210 de l’arrêt).
- La condition de l’affectation du commerce entre États membres demeure floue : la Cour a-t-elle eu raison de considérer que cette dernière condition est remplie uniquement lorsque les seuils sont atteints ?
« Les débats de ces dernières années semblent démontrer qu’il est tout à fait possible d’affecter la concurrence, sans pour autant dépasser les seuils nationaux. Par ailleurs, en raisonnant a contrario, cela équivaut à indiquer qu’il suffirait qu’un seul État membre augmente ses seuils, pour que de nombreuses opérations soient considérées comme n’affectant plus la concurrence, sans que la situation factuelle n’ait pourtant changée. », souligne Étienne Chantrel.
Un engouement autour de l’arrêt à relativiser ?
- Selon Faustine Viala, « cet arrêt est à accueillir positivement en tant que praticien, compte-tenu du renforcement de la sécurité juridique pour les entreprises. »
- Toutefois, bien que cet arrêt sonne le glas de la pratique des renvois d’opérations situées en dessous des seuils, Étienne Chantrel s’interroge sur « le développement d’un arsenal encore moins prévisible, notamment avec l’adoption de call-in powers par les autorités nationales. Rappelons que huit pays européens se sont déjà dotés de tels pouvoirs d’évocation, à savoir l’Italie, l’Irlande, le Danemark, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie et la Suède. La France sera-t-elle la prochaine ? »
L’application du droit des pratiques anticoncurrentielles : solution privilégiée mais non adaptée ?
- Le contrôle ex post sous l’angle de la prohibition des pratiques anticoncurrentielles est l’une des solutions préconisées par la Cour, qui a d’ailleurs validé récemment la possibilité de poursuivre des abus de position dominante (article 102) constitués par des concentrations (affaire Towercast). L’Autorité de la concurrence a d’ailleurs démontré son attrait pour cette solution, et envisage même de l’utiliser aussi pour des ententes (article 101) comme en témoigne la récente décision dans le secteur de l’équarrissage.
- Cependant, la question de l’efficacité et de l’adaptabilité de ce mécanisme se pose : les processus sont longs et se conjuguent difficilement avec le facteur temporel inhérent aux transactions.
Etienne
Chantrel
Associé
Economic and Regulatory Advisory
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